10/11/2014
France

Guérilla à Lille : Suez Environnement vs Lille Métropole

Même avec un grand verre d'eau potable, la
pillule ne passe pas chez Suez Environnement. Le groupe a déposé un
recours au tribunal administratif le 15 octobre contre sa mise à l'écart
de l'appel d'offre sur la distribution d'eau potable dans la métropole
lilloise. Le recours, qui sera examiné le 4 novembre, demande au
tribunal administratif "d'annuler la décision du 23 septembre 2014
(...), d'annuler la procédure de passation du contrat et d'enjoindre à
la Communauté urbaine de Lille de reprendre la procédure."

Suez
Environnement était l'attributaire sortant du contrat actuel, débuté en
1985 et qui court jusqu'au 31 décembre 2015. Le groupe était en
concurrence avec Veolia pour obtenir une reconduction de son contrat.
Mais le 3 octobre le quotidien Le Monde révèlait que la
commission d'appel d'offre avait écarté le dossier de Suez au motif
qu'il ne respectait pas le cahier des charges sur 17 points. En
conséquence, Lille Métropole a prévu de poursuivre les discussions
exclusivement avec Veolia. Philippe Maillard, directeur général de
Lyonnaise des Eaux, déclarait dans un communiqué publié le 3 octobre : "Nous
sommes en total désaccord avec cette décision, qui n’est absolument pas
fondée d’un point de vue juridique. Elle est contraire à la lettre et à
l'esprit de la Loi Sapin, basée sur la négociation entre les parties. 
En outre, cette décision ne va ni dans le sens de la collectivité, ni
dans celle de l’usager. En effet, se priver de toute concurrence à ce
stade d’un appel d’offres de cette importance soulève de nombreuses
questions. Nous sommes mobilisés pour faire valoir nos droits de la
façon la plus efficace. Nous espérons que la collectivité saura saisir
les possibilités qui s’offrent à elle pour rétablir les conditions d’une
saine concurrence dans l’intérêt de ses administrés."
Interrogé sur
France Info le 28 octobre, Jean-Louis Chaussade, directeur général de
Suez Environnement précisait : "Quand on a deux concurrents, est-ce
qu’on doit en éliminer un dans la phase d’admission du dossier (...)
alors même que nous avons fait une offre de 4 000 pages ?" Jean-Louis
Chaussade promettait une véritable guérilla juridique à Lille Métropole :
"Nous voulons faire invalider les décisions prises par la communauté
urbaine. (...) Dans un premier temps, ce sera devant le tribunal
administratif pour revenir dans la course ; dans un deuxième temps, si
nécessaire, les instances de concurrence en France (Autorité de la
concurrence) ou même le Conseil d’État."

Suez et Veolia ont géré
conjointement le contrat des eaux de Lille Métropole jusqu'en de 1985 à
2009, date à laquelle le premier a repris la part du second dans les
Eaux du Nord... Les deux groupes "concurrents" appliquaient ainsi une
recommandation de longue date de l'Autorité de la concurrence.

 

ACTUALISATION
SUEZ ENVIRONNEMENT DÉBOUTÉ

Le tribunal administratif de Lille a rejeté le 6 novembre la
requête de Suez Environnement, qui contestait son exclusion de l'appel
d'offres pour le renouvellement de l'important contrat de distribution
d'eau de la métropole lilloise, dont il était jusqu'à présent
l'opérateur.

"La requête de la société des Eaux du Nord et de la
société Lyonnaise des Eaux France est rejetée", indique la juge des
référés du tribunal administratif dans son ordonnance. La
non-reconduction de ce contrat concernant 62 communes de la métropole,
qui prendra effet le 1er janvier 2016, représente un manque à gagner de
500 millions d'euros sur huit ans pour Suez Environnement, selon le
groupe. Eaux du Nord, filiale de Suez Environnement via la Lyonnaise des
Eaux, était depuis 30 ans bénéficiaire de la délégation de service
public dans la métropole. Lors de l'audience qui s'est tenue mardi, Me
Laurent Richer, l'avocat du plaignant, avait estimé qu'il s'agissait
d'une "décision inacceptable" pour une "affaire assez inhabituelle".
Dans son ordonnance, le tribunal administratif estime notamment que la
communauté urbaine de Lille avait bien spécifié qu'un certain nombre de
termes de l'appel d'offres étaient "intangibles" : Les sociétés
plaignantes "ne peuvent légalement soutenir que le règlement de
consultation laissait une latitude quant au contenu des offres et que
son non-respect ne pouvait fonder la décision attaquée", indique
l'ordonnance.

La direction de Suez Environnement a annoncé
qu'elle allait faire appel de la décision, entendant poursuivre la
défense de ses intérêts devant les juridictions concernées.